Démembrer un bien immobilier, vous en avez déjà peut-être entendu parler, sans vraiment savoir de quoi il s’agissait. Quel est donc l’intérêt de cet outil juridique, à la fois pour les familles et les investisseurs ?
Le principe du démembrement de propriété
Démembrer dans le domaine de l’immobilier consiste à diviser la propriété d’un bien immobilier en deux parties : la nue-propriété et l’usufruit. D’un côté, l’usus (le droit d’utiliser le bien) et le fructus (le droit d’en percevoir les fruits, les loyers) qui appartiennent à l’usufruitier. De l’autre côté, le nu-propriétaire peut disposer du bien (l’abusus). Ces droits sont certes indépendants l’un de l’autre, mais usufruitier et nu-propriétaire sont liés car l’accord des deux est indispensable pour céder la pleine propriété du bien. Le démembrement prend fin au décès de l’usufruitier. L’usufruit rejoint alors la nue-propriété pour reconstituer la pleine propriété.
Le démembrement pour faire un achat à moindre coût
Dans le cadre d’un investissement immobilier neuf, le démembrement revient à céder temporairement l’usage du bien, en contrepartie d’une décote importante sur le prix d’achat (entre 30 et 50 %). Dans ce cas, un professionnel perçoit les revenus et supporte les charges pendant une période de 15 à 20 ans. Le financement peut s’effectuer bien entendu en recourant à un emprunt. En cas de transmission ou de donation, les droits éventuellement dus ne seront calculés que sur la valeur du bien sans l’usufruit. Cela permet ainsi d’investir dans la pierre avec une décote, sans souci de gestion, tout en bénéficiant d’une fiscalité optimisée.
Le démembrement pour transmettre un patrimoine
Quand on fait une donation, cela permet d’optimiser sa transmission de patrimoine, mais il faut se dessaisir du bien de son vivant. Avec un démembrement de propriété, vous pouvez donner à vos enfants par exemple, uniquement la nue-propriété. Vous conservez ainsi l’usufruit votre vie durant et celle de votre conjoint (avec un usufruit réversible). Dans ce cas, vous gardez l’usage et les revenus du bien immobilier. L’avantage est également fiscal. En effet, la réunion de l’usufruit à la nue-propriété au décès du donateur ne donne pas lieu au paiement de droit de succession par les donataires.
Pensez à l’usufruit temporaire !
La donation temporaire d’usufruit consiste à transmettre l’usufruit d’un bien productif de revenus pour une période de 3 ans au minimum afin d’aider un proche. Vous ne vous dépouillez pas de manière définitive ! L’usufruitier utilise le bien et en tire des revenus pendant une période limitée dans le temps. Les droits de donation ne sont dus que sur le montant de l’usufruit.
Un outil à manier avec précaution
La donation peut être remise en cause par l’administration fiscale si celle-ci considère que l’usufruitier n’en tire pas un réel avantage. C’est le cas si vous transmettez temporairement l’usufruit d’un bien à un de vos enfants, alors que ce dernier bénéficie de revenus confortables. Si l’administration considère que le seul intérêt était de soustraire le bien au paiement de l’IFI (impôt sur la fortune immobilière), vous courez le risque de vous faire redresser.
Attention à la notion d’abus de droit. Depuis la loi de finances de 2019, cette notion fiscale a été élargie et la procédure a été étendue aux opérations qui ont un motif « principalement fiscal » et non « plus exclusivement fiscal ». Les donations avec réserve d’usufruit ne sont toutefois pas concernées par la nouvelle définition de l’abus de droit mais elles sont à manipuler avec précaution. Par ailleurs, une note du Conseil d’analyse économique recommande une remise à plat totale des successions. L’assurance-vie et le démembrement de propriété sont dans le collimateur. Ainsi le CAE proposerait de supprimer les avantages fiscaux liés au démembrement de propriété. Encore une réforme qui va en mécontenter plus d’un !
Stéphanie Swiklinski.