Quand le droit de préemption plane sur votre vente

Alice et Bertrand ont signé un sous-seing privé pour la vente de leur maison. Leur notaire a indiqué qu’il allait constituer le dossier d’usage en vue de l’acte authentique, demander les différentes pièces et purger le droit de préemption qui prévaut sur leur commune. Notre couple de vendeurs a-t-il raison de s’inquiéter ? Stéphanie Swiklinski, diplômée notaire, va tenter de les rassurer.

Alice
En quoi consiste le droit de préemption urbain ?

Stéphanie Swiklinski : Le droit de préemption urbain permet à une commune de se substituer à l’acquéreur pressenti. Les collectivités locales peuvent ainsi réaliser certains projets (aménagement, création d’équipements…) en achetant en priorité un bien situé dans certaines zones définies par le plan local d’urbanisme. Ce droit vise des immeubles entiers, des terrains, des maisons… Quand il est « renforcé », ce droit de préemption urbain peut cibler des appartements dans des copropriétés, afin de créer des logements sociaux. Pour savoir si le bien que vous vendez ou achetez est concerné, il faut faire une demande de certificat d’urbanisme en mairie. Cette préemption est donc rendue possible si, et seulement si, la mairie agit dans un but d’intérêt général et motive sa décision en ce sens. Les communes ou les établissements publics territoriaux qui les représentent sont informées des ventes en cours par le biais d’un imprimé appelé déclaration d’intention d’aliéner (ou DIA), qui leur est transmis par le notaire dans le cadre de la préparation des dossiers de vente immobilière. Attention, l’omission de cette formalité peut aboutir à l’annulation de la vente.

Bertrand
Que se passe-t-il si la commune est intéressée par notre bien ?

Stéphanie Swiklinski : La déclaration d’intention d’aliéner est adressée en recommandé avec accusé de réception à la commune. On ouvre ainsi un droit à la commune. À partir de la réception de la DIA, la mairie a deux mois pour se prononcer : préempter ou pas ? Cela signifie qu’elle peut se substituer à l’acquéreur que vous avez choisi et qui a signé le compromis de vente. Si la commune est intéressée :

  • elle veut préempter au prix fixé dans le compromis de vente, vous êtes donc d’accord sur le prix et la transaction peut s’effectuer. Vous vendez votre bien à la commune.
  • elle est intéressée mais à un prix inférieur… et là, vous n’êtes pas du tout d’accord.

À noter qu’en l’absence de réponse de la commune dans le délai de deux mois, le silence vaut renonciation et vous pouvez vendre à votre acquéreur.

Alice
Que faut-il faire en cas de désaccord sur le prix ?

Stéphanie Swiklinski : En tant que propriétaire, vous avez la possibilité à la fois de contester le prix proposé par la commune et le bien-fondé de la décision de préemption. Il existe différents outils juridiques à votre disposition. Si le prix proposé par la commune ne vous convient pas, vous avez un délai de deux mois pour :

  • renoncer à la vente ;
  • ou refuser à ces conditions en demandant au juge de l’expropriation de fixer le prix. Il vous appartient donc de produire des « éléments de comparaison », c’est-à-dire d’apporter des informations relatives à des cessions récentes à titre onéreux de biens comparables au bien préempté, dans un secteur géographique proche et soumis à des règles d’urbanisme similaires. Cette procédure peut vous permettre de démontrer que le prix proposé par le titulaire du droit de préemption est inférieur au prix du marché et, plus simplement, d’obtenir un prix supérieur.

Une fois le prix fixé par le juge, le propriétaire et la commune ont deux mois à compter de la décision définitive pour accepter ou renoncer à l’opération. Leur silence vaut accord et transfert de propriété au profit du titulaire du droit de préemption. Difficile combat à mener pour cette intrusion dans votre droit de propriété !

 Stéphanie Swilklinski