Vous allez vous marier… Félicitations ! Pour vivre entre conjoints sous le même toit, que diriez-vous d’un petit détour chez votre notaire ? Il vous accompagne et vous conseille pour prendre les bonnes décisions patrimoniales.
Se marier ce n’est pas seulement l’occasion de faire une belle fête en famille et entre amis. Au-delà des sentiments, il y a aussi des conséquences « matérielles » auxquelles on ne pense pas toujours ou que l’on remet à plus tard. Le mariage c’est aussi unir deux patrimoines pour n’en faire qu’un. Un patrimoine qu’il faudra gérer, faire fructifier et partager lorsque le mariage prendra fin. Le logement est une pièce maîtresse de ce patrimoine. Avec tout ce qui en découle : choix du régime matrimonial, financement, protection de votre moitié… Alors avant de dire « Oui » devant Monsieur le Maire, pensez à rencontrer votre notaire.
Acheter avant de se marier
Prenons le cas de Mélanie et Nicolas. Ce jeune couple de trentenaires est en location depuis 3 ans. Ils ont décidé de devenir propriétaires. Le mariage c’est prévu mais après… A priori, acheter à deux sans être mariés n’est pas un problème à condition de s’entourer de quelques précautions et de se poser les bonnes questions. Tout d’abord concernant le régime d’acquisition du bien. Le notaire leur conseillera l’indivision. Elle permet d’acheter un bien à deux en intégrant les apports financiers de chacun des acquéreurs. Mélanie et Nicolas seront propriétaires, chacun à hauteur de leur apport et de leur part de remboursement du crédit commun (60-40, 70-30…). Bien entendu, cette répartition devra être écrite noir sur blanc dans l’acte d’achat. Si aucune mention n’y figure, Mélanie et Nicolas seront réputés propriétaires pour 50 % chacun. Il est important que la répartition mentionnée reflète les contributions réelles de chacun pour éviter tout litige en cas de séparation. Pour rembourser le crédit, les banques préconisent d’ouvrir un compte commun qui ne servira qu’à ça. En cas de séparation, il sera plus facile de retracer tout l’historique des virements de chacun. Et si par malheur un décès survient, il faut savoir qu’à l’inverse d’un couple marié, les pacsés ou concubins n’héritent pas automatiquement l’un de l’autre. Seul un testament protège sa moitié et évite que le logement acquis en commun ne devienne un enjeu avec les autres héritiers. Mais il ne faut pas envisager le pire et finalement, Mélanie et Nicolas se marièrent et eurent un bel appartement.
Vivre chez son conjoint propriétaire
Habiter chez votre conjoint déjà propriétaire paraît simple. Il suffit de poser ses valises chez lui (ou chez elle). Mais en réalité, cela peut vite devenir plus complexe. Parce que si on y réfléchit bien, vous n’êtes pas vraiment chez vous. Vous vous sentez « obligé » de vous impliquer financièrement. En plus d’une participation aux charges courantes, certains iront jusqu’à opter pour le statut de co-indivisaire en rachetant 50 % du bien.
Parlons maintenant de Monique qui possède un terrain donné par ses parents il y a plusieurs années. Mariée à Pascal, ils pensent faire construire sur celui-ci. Quelle chance ! Oui et non. Car cela risque de compliquer les choses, surtout s’il n’y a pas de contrat de mariage. En effet, le propriétaire de la maison n’est pas celui que l’on croit. Selon un grand principe du droit, « la propriété du sol entraîne la propriété du dessus et du dessous ». Si l’on suit ce raisonnement, cela signifie que Monique sera la seule propriétaire de la maison. Pascal, qui n’a pas participé à l’achat du terrain mais cofinance la construction de la maison, n’a aucun droit sur celle-ci. Légitime qu’il s’estime lésé, car il a participé à l’enrichissement du patrimoine de son épouse. Tant que tout va bien au sein du couple, cela ne devrait pas trop poser de problème. Mais au décès d’un des conjoints ou suite à un divorce, les biens propres et les biens communs des époux sont distingués pour être partagés. C’est à ce moment-là que la participation financière du conjoint non propriétaire du terrain sera évoquée. Pascal aura droit à ce que l’on appelle une « récompense » pour rétablir l’équilibre de la situation. Imaginons que Monique et Pascal aient emprunté 120 000 € pour la construction. La valeur actuelle du bien (terrain + maison) est de 260 000 €. Le terrain est estimé à 90 000 €. On retire la valeur du terrain à l’ensemble, soit 260 000 – 90 000 = 150 000 €. Monique doit verser à Pascal 150 000 / 2, soit 75 000 € en guise de « récompense » en cas de divorce ou de décès.
Pour éviter d’en arriver là et être certain que la maison appartienne aux deux époux, la meilleure solution est de revoir le régime matrimonial et de prévoir une « clause d’ameublissement ». La maison tombera dans la communauté. En cas de décès, au moment de la dissolution du régime matrimonial et du partage, le conjoint survivant pourra demander l’attribution de ce bien devenu commun.
À savoir
Utiliser l’argent du couple pour rénover un bien immobilier n’appartenant qu’à un seul des époux entraîne, en cas de divorce et de vente du bien, le versement d’une récompense à l’autre conjoint.
Construire ensemble son patrimoine immobilier
Les notaires vous le diront ! Pour éviter les complications, le plus simple est d’acheter en étant marié. Et c’est là que le choix du régime matrimonial va jouer tout son rôle. Si comme près de 80 % des couples mariés vous n’avez rien prévu, vous serez soumis par défaut au régime de la communauté réduite aux acquêts. Les époux qui achètent un logement ensemble sont tous les deux propriétaires et disposent des mêmes droits sur le bien. En cas de décès de l’un des époux, le conjoint récupère la moitié des biens communs sans droits à payer. En cas de divorce, tous les biens achetés pendant le mariage appartiennent pour moitié aux deux époux. Conçu pour le cas général, le régime légal de communauté de biens réduite aux acquêts trouve ses limites dès que se présente une situation familiale ou patrimoniale particulière. Il en est ainsi lorsque l’un des époux exerce une profession indépendante entraînant des risques financiers (profession libérale, chef d’entreprise, artisan, commerçant). Il faut alors se tourner vers un autre statut mieux adapté. Prenons l’exemple de Marc, chef d’entreprise, et de Sophie travaillant dans une crèche. Le notaire leur conseillera d’opter pour le régime de la séparation de biens. Avec lui aucun patrimoine commun. Chacun reste propriétaire des biens qu’il avait avant le mariage et de ceux qu’il reçoit par donation ou succession pendant le mariage. Les biens acquis après celui-ci restent également la propriété de celui qui les a achetés. Mais dans ces conditions, comment Marc et Sophie pourront-ils acheter la maison de leur rêve ? Et à qui appartiendra-t-elle ? Qu’ils se rassurent, la séparation de biens n’est pas un obstacle pour acheter à deux, mais il faudra prendre soin d’indiquer dans l’acte d’achat les conditions dans lesquelles est acheté le bien (plus précisément, les apports réalisés par chacun et leur contribution respective au remboursement des mensualités de prêt). Selon la situation personnelle du couple, il peut également être intéressant de se pencher sur le régime de la communauté universelle. Tous les biens, présents et à venir, possédés par les époux sont mis en commun, quelle que soit la date d’acquisition (avant ou après le mariage), leur origine (achat, donation…) et leur mode de financement. Les deux conjoints sont tous les deux propriétaires à parts égales du logement, même s’il a été acquis par un seul d’entre eux. S’il est complété par une clause d’attribution intégrale, le conjoint survivant peut recueillir la totalité des biens du couple sans droits de mutation. Ce qui lui assure une protection maximale.
Financer son projet à deux
Même si la baisse des taux de crédits immobiliers est favorable à tous ceux qui souhaitent acheter un logement, il est toujours plus facile d’emprunter en couple plutôt que seul. Être en couple est un atout indéniable auprès des banques. La raison est simple. L’établissement prêteur va mettre en commun les ressources du couple. Cette « mutualisation » des fonds est intéressante pour tout le monde. Les emprunteurs multiplient par deux leur capacité d’emprunt, leur taux d’endettement et le montant de leur reste à vivre (c’est-à-dire la part des revenus qu’il reste au ménage pour financer les dépenses courantes une fois les charges d’emprunts payées). Pour la banque, un emprunt à deux réduit les problèmes de remboursement. Lorsqu’il y a deux emprunteurs, le risque de perte d’emploi et donc de non-remboursement du crédit ne repose pas que sur une seule personne, ce qui sécurise davantage le projet aux yeux des banques.
Après, peu importe que vos revenus et apports soient égaux ou pas. Il est fréquent que la répartition des parts de chacun dans le financement du bien ne soit pas identique. Le plus important est que cela apparaisse quelque part. Si une part du financement provient d’une donation ou d’une succession recueillie par l’un des époux, il est primordial de le mentionner dans l’acte d’achat. En termes juridiques, il s’agit d’une « déclaration de l’origine des deniers ». En cas de séparation, l’époux qui aura financé l’achat par ce biais obtiendra un « dédommagement » équivalent (juridiquement on appelle cela « une récompense »).
Les couples sont des clients de choix pour une banque. Les jeunes mariés ont souvent plein de projets, ce qui peut les amener à long terme à souscrire une assurance-vie, un PEL… au sein du même établissement.
La clause de solidarité
Que vous soyez marié, pacsé ou concubin au moment du prêt immobilier, l’établissement prêteur vous fera signer une clause de solidarité. Elle vous lie à votre conjoint et vous oblige à rembourser l’intégralité du prêt, quels que soient les évènements qui se produiraient durant la durée de l’emprunt. La perte d’emploi ou le décès d’un des deux emprunteurs peuvent être couverts par des assurances de prêt.
Prévoir le futur
Être marié c’est aussi se projeter et anticiper l’avenir. Le logement qui sert de résidence principale à un couple marié bénéficie d’une protection spécifique. Durant toutes les étapes qui vont émailler la vie du couple, il bénéficiera d’un statut particulier, d’une sorte d’immunité, qui le préservera des vicissitudes pouvant survenir en cas de divorce ou de décès d’un des époux.
Tout au long du mariage, le logement est protégé par la règle de la cogestion qui interdit à un époux d’accomplir seul des actes qui priveraient la famille de la jouissance du logement. Cette interdiction vise la vente, la donation, la mise en location, l’apport en société… Pour ces actes, le consentement des deux conjoints est nécessaire, quel que soit leur régime matrimonial. Et même si l’un d’eux en est seul propriétaire. Celui qui n’a pas donné son accord peut demander l’annulation de l’acte devant le juge aux affaires familiales.
Suite au décès d’un des conjoints, le survivant dispose de deux droits destinés à lui assurer la jouissance du logement. Dans un premier temps, le droit temporaire au logement lui permet d’occuper le logement et d’utiliser l’ensemble des biens qui s’y trouvent, gratuitement, pendant 1 an. Peu importe qui est propriétaire du bien (le couple ou un seul des conjoints). Ce droit temporaire est d’ordre public. Impossible de le supprimer par testament ! Il s’exécute automatiquement sans formalité particulière.
Passé le délai d’un an, c’est le droit viager au logement qui prend le relais. C’est un véritable droit d’usage et d’habitation dont le conjoint peut profiter jusqu’à la fin de sa vie. À condition d’en faire la demande et d’informer les héritiers de son souhait. Il est possible de le faire tout simplement, en leur présence, lors d’un rendez-vous chez le notaire chargé de régler la succession. Toutefois, il faut savoir que le défunt peut avoir empêché son conjoint de bénéficier de ce droit par testament.
Important
Peu importe que le logement familial appartienne en propre à un époux ou qu’il soit un bien commun, les actes de disposition (donation, vente ou hypothèque) doivent être passés avec l’accord des deux conjoints.
Marie-Christine Mémoire