Donation: La succession en toute sérénité

Succession bien ordonnée rime avec anticipation et préparation. Et pour cela rien ne vaut les donations. Elles éviteront de vous faire du souci pour le confort matériel de votre conjoint, limiteront les risques de disputes entre vos enfants et vous permettront de bénéficier d’avantages fiscaux. Alors pourquoi se priver de cet outil de transmission des plus efficaces ?

Un geste plein de richesse

La donation permet de transmettre gratuitement un bien ou une somme d’argent à quelqu’un, sans rien attendre en retour. C’est donc un geste de pure générosité. Mais qui, en fait, peut se révéler aussi source de bien d’autres avantages :
• vous répartissez de votre vivant tout ou partie de vos biens entre vos héritiers et/ou favorisez les personnes de votre choix au lieu d’attendre le règlement de la succession
• vous préservez l’harmonie familiale en évitant les conflits pouvant survenir lors du règlement d’une succession
• vous optimisez la gestion et la transmission de votre patrimoine
• vous permettez au(x) bénéficiaire(s) de la donation de se lancer dans la vie ou de réaliser un projet qui lui (leur) tient à cœur
• vous bénéficiez d’avantages fiscaux, différents selon, notamment, la personne à qui vous donnez et le type de donation. Par exemple, vous pouvez donner jusqu’à 100 000 euros à un enfant sans payer de droits de mutation ou 31 865 euros à un petit-enfant (donation de somme d’argent par un donateur âgé de moins de 80 ans à un donataire âgé d’au moins 18 ans), et cela tous les 15 ans.

Donner mais avec réserve

La liberté de donner n’est pas infinie. Pour éviter les dérives, la loi a prévu des limites concernant :
• le donateur. Certaines personnes ont besoin d’être protégées soit en raison de leur âge soit en raison de leur capacité mentale les empêchant de comprendre les risques encourus en faisant une donation et de discerner les manoeuvres frauduleuses visant à détourner leur patrimoine. C’est pourquoi la loi interdit à un mineur non émancipé de donner un bien lui appartenant. Et même son représentant légal (parent ou tuteur) ne peut pas le faire en son nom. En ce qui concerne les majeurs protégés, la latitude pour faire une donation dépendra du régime de protection. Mais dans tous les cas, l’incapable majeur ne pourra pas agir seul
• le donataire (le bénéficiaire). En principe, tout le monde est censé pouvoir recevoir une donation. Cependant, comme pour un testament, certaines personnes pouvant être susceptibles d’influencer le choix du donateur ne peuvent pas être désignées comme bénéficiaires d’une donation. Il s’agit par exemple du médecin traitant, des employés d’établissement d’aide à domicile et de maisons de retraite, des employés de maison, des tuteurs et curateurs professionnels (et des établissements publics et associations pour lesquels ils travaillent), des ministres du culte…
• ce que l’on peut donner. Le donateur, même s’il est très généreux, ne peut pas donner tout son patrimoine comme il le souhaiterait. Pour éviter toute dilapidation, une partie de ses biens (la réserve héréditaire) est d’office destinée aux héritiers réservataires du donateur (enfants…). Ils ne peuvent pas en être privés. Par contre, l’autre partie du patrimoine (la quotité disponible) peut être librement donnée ou léguée à la personne de son choix (en dehors des exceptions évoquées plus haut).

À faire
Avant d’effectuer une donation, quels qu’en soient la forme et le(s) bénéficiaire(s), pensez à dresser un bilan avec votre notaire. Il vous conseillera sur la solution la plus adaptée en fonction de vos besoins actuels et futurs.

Mettez-y les formes

Une donation n’est pas un acte anodin. Si vous voulez être sûr quelle produise les effets escomptés, un minimum de règles sont à respecter :
• une donation doit être rédigée par un notaire. À défaut elle est susceptible d’être annulée. L’intervention du notaire apporte un certain nombre de garanties (l’acte est incontestable, il ne risque pas d’être perdu ou détruit…) et c’est l’assurance de faire les bons choix et d’avoir toutes les informations nécessaires pour bien appréhender les conséquences de son geste au niveau familial, patrimonial et fiscal
• il est possible d’y prévoir des clauses spécifiques afin de préserver les intérêts du donateur en fonction des circonstances et des objectifs visés. Il s’agira par exemple d’une donation avec charges (obligeant le donataire à faire certains actes s’il veut bénéficier de la donation), une donation avec clause de retour conventionnel (permettant que le bien donné revienne dans le patrimoine du donateur en cas de prédécès du donataire s’il n’a pas d’enfant par exemple), une donation graduelle (permettant au donateur de donner un bien en pleine-propriété à un premier bénéficiaire qui a obligation de le conserver jusqu’à la fin de sa vie et de le transmettre à son décès à un second bénéficiaire désigné dans l’acte de donation), une donation avec réserve d’usufruit…

La donation entre époux pour protéger son conjoint

Les époux héritent l’un de l’autre sans payer de droits de succession. Mais la part qui revient au survivant n’est pas toujours suffisante pour faire face à ses besoins. D’où l’importance de prévoir une donation qui permettra d’améliorer sa situation matérielle en lui permettant de recevoir plus que ce qui est prévu par la loi. La donation entre époux présente de nombreux intérêts et plus particulièrement en présence d’enfants, notamment s’ils sont nés d’une autre union ou lorsque le défunt ne laisse ni ascendants ni descendants. La donation entre époux peut intervenir à n’importe quel moment après le mariage. Généralement, les couples y pensent lors de l’achat de leur première résidence principale ou à la naissance de leur premier enfant. Mais le plus tôt est le mieux. La donation entre époux n’est pas faite une fois pour toutes. Si votre patrimoine ou vos besoins évoluent, il est possible d’en modifier son contenu (toujours devant notaire). Elle ne prendra effet que lors du décès d’un des conjoints et ne portera que sur les biens que l’époux donateur laissera à son décès.

La donation-partage pour partager son patrimoine entre les enfants

Pour être sûr de ne léser aucun de vos enfants, la donation-partage apparaît comme la solution idéale. Il s’agit à la fois d’une donation et d’un partage anticipé de votre succession. La donation-partage :
• évite les difficultés et les brouilles familiales pouvant naître lors du règlement d’une succession ; facilite l’attribution des biens conformément aux souhaits du donateur et aux besoins, capacités ou aptitudes de chaque enfant (les donataires).
• Vous êtes libre de composer à votre guise les lots qui seront distribués entre vos enfants. En revanche, chacun doit recevoir au moins sa part comme prévu par la loi. Si ce n’était pas le cas, l’enfant s’estimant lésé pourrait agir « en réduction ».

Pas que pour les enfants

Depuis 2007, la donation-partage ne s’applique pas seulement aux enfants. Le donateur peut également gratifier ses petits-enfants. On parle de « donation-partage transgénérationnelle ». La réforme des successions a également permis aux familles recomposées d’organiser leur succession et de répartir leurs biens propres ou communs entre leurs enfants nés des mariages successifs dans une même donation-partage.

La donation simple pour aider un de ses enfants

Deux options s’offrent à vous :
• si vous souhaitez apporter une aide ponctuelle à cet enfant, sans le gratifier spécialement par rapport à ses frères et sœurs, vous pouvez lui faire une donation en avance sur sa part successorale ;
• si votre intention est de l’avantager par rapport aux autres, vous pouvez faire une donation « hors part successorale ». Vous pourrez ainsi lui donner plus, tout en restant dans la limite des règles de la quotité disponible et de la réserve héréditaire. En revanche, si la donation consentie empiète sur la part de ses frères et sœurs, ils pourront, lors de l’ouverture de votre succession, remettre en cause la donation.

Don manuel et présent d’usage
Qui n’a pas reçu (ou fait) un petit geste lors d’un anniversaire, d’une réussite à un examen, d’un mariage… S’agit-il alors d’un don manuel ou d’un présent d’usage ? Il est fréquent de confondre ces deux notions. Or elles n’ont pas grand chose en commun. Le présent d’usage est un cadeau dont la valeur est en relation avec le train de vie et les capacités financières de celui qui le fait. Le présent d’usage n’est pas « rapportable » à la succession du donateur, c’est-à-dire qu’il n’en sera pas tenu compte lors de l’ouverture de la succession et de la répartition du patrimoine entre les héritiers. Autre différence avec le don manuel, le présent d’usage n’est pas soumis à droits de donation en raison de la modicité de la somme ou de la valeur du bien donné par ce biais.

 

Marie-christine Ménoire