Succession bien ordonnée commence par anticipation et préparation. Ce pourrait être un nouvel adage à appliquer sans modération. Comment ? En faisant une donation. Elle évitera de vous faire du souci pour le confort matériel de la personne qui partage votre vie, limitera les risques de disputes entre vos enfants et vous permettra de bénéficier d’avantages fiscaux.
Faire une donation c’est transmettre gratuitement un bien ou de l’argent à quelqu’un, sans rien attendre en retour. Mais au-delà, ce geste de pure générosité permet surtout de répartir de son vivant tout ou partie de ses biens entre ses héritiers et/ou favoriser les personnes de son choix au lieu d’attendre le règlement de la succession. Le donateur optimise la transmission de son patrimoine tout en préservant l’harmonie familiale. Sans omettre l’aspect fiscal.
Faire une donation c’est
– répartir de votre vivant tout ou partie de vos biens entre vos héritiers et/ou favoriser les personnes de votre choix au lieu d’attendre le règlement de la succession ;
– préserver l’harmonie familiale en évitant les conflits pouvant survenir lors du règlement d’une succession ;
– optimiser la gestion et la transmission de votre patrimoine ;
– permettre au(x) bénéficiaire(s) de la donation de se lancer dans la vie ou de réaliser un projet qui lui (leur) tient à cœur ;
– bénéficier d’avantages fiscaux, différents selon, notamment, la personne à qui vous donnez et le type de donation.
Donner a des limites
Avant de faire une donation, dressez un bilan patrimonial avec votre notaire.
La liberté de donner n’est pas infinie. Pour éviter les dérives, la loi a prévu des limites concernant :
– le donateur. Certaines personnes ont besoin d’être protégées soit en raison de leur âge soit en raison de leur capacité mentale les empêchant de comprendre les risques encourus en faisant une donation et de discerner les manœuvres frauduleuses visant à détourner leur patrimoine. C’est pourquoi la loi interdit à un mineur non émancipé de donner un bien lui appartenant. Et même son représentant légal (parent ou tuteur) ne peut pas le faire en son nom. En ce qui concerne les majeurs protégés, la latitude pour faire une donation dépendra du régime de protection. Mais dans tous les cas, l’incapable majeur ne pourra pas agir seul
– le donataire (le bénéficiaire). En principe, tout le monde est censé pouvoir recevoir une donation. Cependant, comme pour un testament, certaines personnes pouvant être susceptibles d’influencer le choix du donateur ne peuvent pas être désignées comme bénéficiaires d’une donation. Il s’agit par exemple du médecin traitant, des employés d’établissement d’aide à domicile et de maisons de retraite, des employés de maison, des tuteurs et curateurs professionnels (et des établissements publics et associations pour lesquels ils travaillent), des ministres du Culte…
– ce que l’on peut donner. Le donateur, même s’il est très généreux, ne peut pas donner tout son patrimoine comme il le souhaiterait. Pour éviter toute dilapidation, une partie de ses biens (la réserve héréditaire) est d’office destinée aux héritiers réservataires du donateur (enfants…). Ils ne peuvent pas en être privés. Par contre, l’autre partie du patrimoine (la quotité disponible) peut être librement donnée ou léguée à la personne de son choix (en dehors des exceptions évoquées plus haut).
Répartition réserve/quotité |
||
Le conjoint a… |
Réserve héréditaire |
Quotité disponible |
1 enfant |
1/2 |
1/2 |
2 enfants |
2/3 |
1/3 |
3 enfants et + |
3/4 |
1/4 |
son conjoint en l’absence de descendants |
1/4 |
3/4 |
Mettez-y les formes
Une donation n’est pas un acte anodin. Si vous voulez être sûr qu’elle produise les effets escomptés, un minimum de règles sont à respecter :
– une donation doit être rédigée par un notaire. À défaut, elle est susceptible d’être annulée. L’intervention du notaire apporte un certain nombre de garanties (l’acte est incontestable, il ne risque pas d’être perdu ou détruit…) et c’est l’assurance de faire les bons choix et d’avoir toutes les informations nécessaires pour bien appréhender les conséquences de son geste au niveau familial, patrimonial et fiscal
– il est possible d’y prévoir des clauses spécifiques afin de préserver les intérêts du donateur en fonction des circonstances et des objectifs visés. Il s’agira par exemple d’une donation avec charges (obligeant le donataire à faire certains actes s’il veut bénéficier de la donation), d’une donation avec clause de retour conventionnel (permettant que le bien donné revienne dans le patrimoine du donateur en cas de prédécès du donataire s’il n’a pas d’enfant par exemple), d’une donation graduelle (permettant au donateur de donner un bien en pleine-propriété à un premier bénéficiaire qui a obligation de le conserver jusqu’à la fin de sa vie et de le transmettre à son décès à un second bénéficiaire désigné dans l’acte de donation), d’une donation avec réserve d’usufruit…
Lexique
– Usufruit : Droit d’utiliser et de percevoir les revenus d’un bien appartenant à une autre personne (le nu-propriétaire).
– Pleine-propriété : Droit « complet » regroupant les effets de la nue-propriété et de l’usufruit.
Assurez un avenir plus serein à votre conjoint
Les époux héritent automatiquement l’un de l’autre, sans droits de succession. Malgré cela, la donation entre époux a beaucoup d’intérêt. Elle permet de donner plus que la loi ne prévoit et lui assurer un avenir plus confortable. Plus particulièrement en présence d’enfants, notamment s’ils sont nés d’une autre union ou lorsque le défunt ne laisse ni ascendants ni descendants. La donation entre époux peut intervenir à n’importe quel moment après le mariage. Généralement, les couples y pensent lors de l’achat de leur première résidence principale ou la naissance de leur premier enfant. Mais le plus tôt est le mieux.
La donation entre époux n’est pas faite une fois pour toutes. Si votre patrimoine ou vos besoins évoluent, il est possible d’en modifier son contenu (toujours devant notaire). Elle ne prendra effet que lors du décès d’un des conjoints et ne portera que sur les biens que l’époux donateur laissera à son décès.
Il faut distinguer deux situations :
* Si les époux ont des enfants ensemble, le conjoint survivant reçoit soit la totalité des biens du défunt en usufruit, soit 1/4 en pleine propriété. Avec la donation entre époux, ses droits sont étendus, au choix, à :
– l’usufruit de la totalité des biens ;
– 1/4 en pleine propriété et 3/4 en usufruit ;
– la pleine propriété de la quotité disponible de la succession.
* Si un des époux a des enfants d’une précédente union, son conjoint ne peut recueillir qu’1/4 de la succession en pleine propriété. Avec la donation entre époux, il peut prétendre, au choix, à :
– des droits plus étendus en pleine propriété ;
– l’usufruit sur la totalité de la succession ;
– mélanger pleine propriété et usufruit.
Quand donation rime avec partage
Pour être sûr de ne léser aucun de vos enfants, la donation-partage apparaît comme la solution idéale. Il s’agit à la fois d’une donation et d’un partage anticipé de votre succession. La donation partage ne peut pas être remise en cause lors de l’ouverture de la succession. Elle est irrévocable. Ce qui est donné est donné.
La donation-partage évite les difficultés et les brouilles familiales pouvant naître lors du règlement d’une succession, facilite l’attribution des biens conformément aux souhaits du donateur et aux besoins, capacités ou aptitudes de chaque enfant (les donataires).
Vous êtes libre de composer à votre guise les lots qui seront distribués entre vos enfants. En revanche, chacun doit recevoir au moins sa part comme prévu par la loi. Si ce n’était pas le cas, l’enfant s’estimant lésé pourrait agir « en réduction « .
À savoir : depuis 2007, la donation-partage ne s’applique pas seulement aux enfants. Le donateur peut également gratifier ses petits-enfants. On parle de » donation-partage transgénérationnelle « .
La loi donne également la possibilité de faire des donations au sein des familles recomposées. Enfin, des personnes sans enfant peuvent faire une donation-partage au profit de leurs frères et sœurs (ou, en cas de décès de ceux-ci, de leurs neveux et nièces).
Pensez-y
La donation temporaire d’usufruit permet de donner, pendant une durée déterminée, l’usufruit d’un bien procurant des revenus (logement, parts de SCI…). Cela peut aider un enfant à financer ses études ou un projet professionnel par exemple.
Vous pouvez aussi aider un seul de vos enfants
Si votre objectif est plus d’aider un de vos enfants, deux options s’offrent à vous :
– si vous souhaitez apporter une aide ponctuelle à cet enfant, sans le gratifier spécialement par rapport à ses frères et sœurs, vous pouvez lui faire une donation en avance sur sa part successorale ;
– si votre intention est de l’avantager par rapport aux autres, vous pouvez faire une donation « hors part successorale ». Vous pourrez ainsi lui donner plus, tout en restant dans la limite des règles de la quotité disponible et de la réserve héréditaire.
En revanche, si la donation consentie empiète sur la part de ses frères et sœurs, ils pourront, lors de l’ouverture de votre succession, remettre en cause la donation.
Donnez et faites des économies
Le bénéficiaire d’une donation doit normalement s’acquitter de droits de donation. Mais en fonction du lien de parenté avec la personne à qui vous donnez et de la nature des biens reçus, la charge fiscale sera plus ou moins lourde. Les donations bénéficient en effet d’une fiscalité très avantageuse.
Dans le cas d’un don familial d’une somme d’argent, la donation est exonérée de droits de donation jusqu’à 31 865 €, sous conditions. Le donateur doit notamment avoir moins de 80 ans et le bénéficiaire être majeur ou émancipé.
Ce type de dons de sommes d’argent doit être effectué en pleine propriété au profit : des enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants ou à défaut de descendance, aux neveux et nièces ou en cas de décès des neveux et nièces, par représentation à des petits-neveux ou des petites-nièces.
Cette exonération est renouvelable tous les 15 ans. Le don peut avoir été effectué par chèque, virement, mandat ou remise d’espèces. Cette exonération est cumulable avec l’abattement accordé en fonction du lien de parenté.
Par rapport au donateur, vous êtes… |
Montant de l’abattement auquel vous avez droit |
Son conjoint |
80 724 € |
Son ou sa partenaire Pacsé(e) |
80 724 € |
Un ascendant ou un enfant |
100 000 € |
Un petit-enfant |
31 865 € |
Un arrière petit-enfant |
5 310 € |
Un frère ou une sœur |
15 932 € |
Un neveu ou une nièce |
7 967 € |
À savoir : Les personnes handicapées bénéficient d’un abattement de 159 325 €, cumulable avec les autres abattements.
Intéressant
Dans le cadre d’un don familial, un enfant peut recevoir tous les 15 ans, en exonération de droits :
– 63 730 € de ses parents (31 865 € x 2)
– et 127 460 € de ses 4 grands-parents (31 865 € x 4)
Marie-Christine MÉNOIRE